Le mythe de la dominance


Le mythe de la dominance

Le mythe de la dominance est fortement inscrit dans notre mémoire collective. Il arrive souvent que l’on entende les notions de « chef de meute » ou d’être le dominant de son chien. On me pose d’ailleurs de nombreuses questions sur le sujet et il m’a semblé nécessaire d’écrire dessus.

On va tout de suite répondre à une question revenant souvent, à savoir est-ce que ce mythe de la dominance est basé sur des faits scientifiques ou sur une certaine croyance ? Eh bien, il s’agit d’une croyance. Aucune étude scientifique n’a conclu en l’existence de dominance de quelque sorte que ce soit chez les chiens. Les études originelles sont uniquement basées sur des Loups en captivités, pas des chiens et pas non plus des Loups dans leur milieu naturel (nous avons découvert depuis que les Loups ont une structure familiale n’ayant strictement rien à voir avec les études liées à la dominance qui ont pu être effectuées sur les Loups en captivités).

Il faut faire la distinction entre la période avant et après internet. En effet, les écrits sur le sujet étaient limités et il n’y avait pas de publication sur le sujet. Une certaine « légende urbaine » s’est installé à propos de la dominance et cela a perduré. Après l’arrivée d’internet et la mondialisation d’informations de toutes sortes, nous avons pu voir d’autres théories, qui n’étaient pas basées sur la dominance et qui ont ouvert la voie aux nombreuses études que l’on connait aujourd’hui.

Reprenons rapidement, donc la théorie de la dominance est basée sur l’étude de loups en captivité. Depuis, nous avons découvert que les loups dans leur environnement naturel fonctionnent en structures familiales. Par conséquent, cela signifie que la dominance n’existe pas chez le loup lorsqu’il n’est pas en captivité. De plus on sait que les loups et les chiens sont très éloignés les uns des autres, un chien n’est pas un loup ! Mais, nous entendons encore parler, également par certains éducateurs et « comportementalistes », de cette dominance….

 

Ce que nous apprend la science moderne

La science moderne nous présente le chien bien différemment. Notamment en insistant sur le fait que la dominance interspécifique (entre différentes espèces) ne peut tout simplement pas exister. Et pourtant, certains professionnels nous apprennent qu’il faut que le chien mange après nous, qu’il ne doit pas monter sur le lit, qu’il ne doit pas nous « grimper » dessus, qu’il faut le plaquer au sol et le mettre sur le dos pour qu’il nous « respecte » etc…

Si vous ne voulez pas que votre chien monte sur le lit, alors vous lui apprenez à ne pas le faire, mais cela est une simple éducation de votre animal. Cela ne va certainement pas lui faire « comprendre » qui est le « chef ».

De même, on entend très souvent qu’un chien qui attaque va être « dominant ». NON. Près de 90% des chiens (le reste comprend des animaux malades et, pour environ 5% d’entre eux, des comportements agressifs qui ne sont pas « explicables ») présentant un comportement de morsure se trouvent dans une émotion de peur. L’animal ne VEUT PAS vous attaquer pour vous dominer mais bien généralement pour pouvoir fuir ou vous faire fuir. De plus, une étude récente (cf. article sur ce site) démontre que plus de la moitié des morsures, notamment au visage, est dû à un comportement humain inadapté à l’animal qu’il a en face (et notamment le fait de se pencher sur la tête de l’animal, bien souvent pris comme un signe d’agression par le chien qui ne vous connait pas ou que l’on a pas habitué).

Si notre chien est « hors de contrôle », qu’il n’écoute pas et qu’il saute dans tous les sens, ce n’est pas non plus un problème de dominance. Il s’agit bien souvent de chiens plein d’énergie et qui ont besoin de se dépenser physiquement.

Plutôt que de chercher le bon « chef de meute » ou le bon « dominant », cherchons surtout à être de bons entraîneurs pour nos chiens, en travaillant une communication positive plutôt qu’une communication aversive. Le drame de ce mythe de la dominance est qu’il a créé de nombreux troubles, notamment des troubles d’agressions. Si l’on respecte ces principes de la dominance et que l’on a un chien présentant un tempérament (partie innée) craintif, nous avons également énormément de chance de rendre cet animal « agressif » par peur.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut mettre aucune règle au chien, cependant, cela peut être fait de manière positive, par l’utilisation de techniques d’apprentissages positives dont nous disposons et sans se considérer « en conflit » avec son chien en pensant qu’il serait « dominant ». Ce concept, plein de négativité, ne peut qu’abaisser notre niveau de relation avec notre animal.

 

Une ineptie transmise, y compris par certains professionnels

L’autre drame de ce mythe est qu’il est encore enseigné par de nombreux éducateurs canins, qui ne pensent certainement pas à mal, mais qui utilisent, par conséquent, des méthodes coercitives qui ne sont absolument pas nécessaires pour obtenir un comportement de son animal.

Un autre gros problème de ce mythe, c’est que cela nous fait souvent nous concentrer sur le symptôme et non pas la réelle cause du problème. Or, pour qu’un trouble soit réellement corrigé, il faut trouver la cause et pas seulement agir sur la présentation du comportement non souhaité. De nombreux éducateurs se disant comportementaliste font cette erreur là et on se retrouve ainsi avec des résultats non probants, à la fois pour vous mais également pour votre chien.

De plus, la science moderne nous apprend qu’il n’y a pas de méthode plus rapide pour l’apprentissage que la motivation que l’on va donner à son chien. Se faire crier dessus et tirer au collier ne permettra certainement pas de trouver la bonne motivation pour votre chien.

Je rappelle également que les chiens ont été sélectionnés par l’homme, contrairement au loup, notamment dans l’objectif de sélectionner des comportements obéissants, plutôt téméraires, ou plutôt craintifs et pleins d’autres. Chaque race a été créé dans une utilité précise. Ils ont été créés pour interagir avec les humains. Pourquoi leur appliquer des règles issues de légendes erronées ?

Un exemple que j’entends très souvent à l’égard des Akita Inu et Malinois : ce sont des races de chiens dominants. Pourquoi est-ce que j’entends ça ? Tout simplement parce que ce sont des races ayant une posture que nous, humain, qualifions de « fière » (attitude très droite, queue haute, corps dressé, tête haute) et donc, puisqu’il se comporte comme ça vis-à-vis d’autres chiens, ils sont dominants.

Il est dommage qu’autant de professionnels, y compris certains se ventant d’agir de manière « positive », applique encore ce mythe, surtout sans s’être renseigné dessus. Cela ne fait que brider les capacités de nos chiens alors que la science moderne ne cesse de découvrir de nouvelles capacités cognitives chez nos animaux de compagnie. L’utilisation du collier à clous pour la marche au pied ou encore l’utilisation d’un collier « anti-aboiements » n’est JAMAIS une solution. Au mieux, c’est une voie de facilité pour le professionnel peu consciencieux mais qui ne vous permettra que peu d’apprentissage de comportements et toujours de manière « basique », sans attendre la réflexion de son animal et ainsi un apprentissage plus durable, volontariste et rapide à maitriser en toutes situations.

Ce mythe et les méthodes primitives qui y sont associées n’ont pas leur place au 21ème siècle et nous n’avons pas le droit, en tant que professionnel du milieu animalier, de transmettre et de faire croire de telles inepties. Il est temps d’évoluer, d’ouvrir ses frontières à d’autres connaissances et à d’autres techniques d’apprentissage.

 

Ce n’est pas la faute des propriétaires !

Je ne peux pas en vouloir aux propriétaires d’appliquer ces principes tellement ils sont répandus dans notre mémoire collective et bien souvent transmis par certains professionnels animalier. Cependant, si vous êtes dans ce schéma d’interaction avec votre chien, songez à utiliser d’autres méthodes. De nombreuses méthodes et techniques d’apprentissages positives existent. Il ne vous reste qu’à trouver celle qui s’avérera la plus efficace pour votre chien, mais croyez-moi, vous verrez vite un changement de comportement et de motivation chez lui. Ce dernier se montrera beaucoup plus proche de vous, à votre écoute et sans crainte, ce qui en fera un chien beaucoup plus volontaire à apprendre de nouveaux comportements.